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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/80

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j’te pardonnerai jamais ça ! Et j’vous en ferai, ici, qu’on n’aura jamais vu carnaval pareil !

— Tu vas tant la colérer, remarqua la femme Bucaille, qu’la maison n’sera plus qu’un carnage !

— J’ai pas peur de ça !… jeta le marin dédaigneusement, en se levant.

Il reprit son bonnet, fit trois pas du côté de la porte pour s’en aller au port. Sur le seuil, il se retourna, ne regarda personne, et, plein d’amertume :

— Et d’abord, qui vous a dit qu’il accepterait d’s’adonner chez des gens comme nous ?… Est pas M’sieu le curé qui va y conseiller cha !…

Comme il refermait la porte, Ludivine eut une petite sueur aux tempes. Elle se demanda si, en effet, l’enfant des hautains Le Herpe ne préférerait pas l’orphelinat à l’intérieur infernal des Bucaille.

Cependant, obstinée, les dents serrées, jouant sa destinée :

— Est pas tout cha !… dit-elle. Vous Armand et Maurice, à l’école, ouste !… J’avons pas besoin de vous dans nos gambes ! Et toi, la mère, fais-nous cauffer une bassine d’iau. Faut qu’tout soit nettoyé ici, tu m’entends, et qu’nos cuivres brillent !

Et, sans se rendre compte de ce qu’il y avait déjà dans ce simple petit mot :

— Ça d’vait être si bien tenu, chez lui !