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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/99

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Il relevait la tête pour protester de sa sobriété présente et à venir. Elle ne le laissa pas parler.

— Pis d’abord, devrais-tu l’laisser n’pas rentrer avec toi ? Tu pouvais pas l’ramener, c’te soir comme tous les jours ?… Mais, avec ta goule de d’moiselle, tu n’feras jamais qu’un fade !

Les larmes aux yeux devant des reproches si injustes :

— Qui que j’peux faire, moi ?… murmura le pauvre gosse malmené. Est pas moi qui peux commander mon patron, tout de même !…

— Oh !… bondit Ludivine, tais-toi, ou j’t’assomme !

La mère Bucaille avait quitté son baquet.

— Vas-tu le quitter tranquille, c’por éfant-là ?… Est pas lui qu’en est la cause, pas ?… T’es là à le traiter… Est honteux !

La petite se retourna comme un guerrier dans la bataille.

— Qui qu’t’as à dire, té ?… S’rait-y ici sans moi ? Est-y toi qu’es allée l’chercher ? Y marchera droit, ou ben y s’en ira où qu’il’tait !

Avec un court sanglot, l’adolescent se détourna. Ludivine était trop dure pour lui.

Elle en eut elle-même le sentiment, et sa colère en redoubla.

Hochant largement la tête, la mère Bucaille remarqua :

— T’as des germes qui n’sont vraiment pas dans l’sentiment !… Tu nous fais une vie désordonnée là-n’dans, que c’por’tit malheureux en reste tout dupe ! Tu vas tout d’même pas l’faire martyr, après tout c’qu’il a déjà vu !

Et la verve furieuse de la petite marâtre se retourna contre sa mère.

La grêlée, à la fin, avait préféré se taire. Delphin blotti dans un coin, les deux petits garçons dans l’autre, c’était la consternation partout.

Cognant la vaisselle, Ludivine acheva de mettre le couvert. Bucaille, d’ailleurs, ne rentra pas.