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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/22

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pourvu qu’en effet les hommes et les peuples échappent à de fausses prétentions, à la suffisance, aux mythes d’une race supérieure ou d’une surhumanité qui n’aurait d’autre idéal et d’autre religion qu’elle-même. Delbos avait toujours vu clairement que le véritable esprit de liberté, de progrès, de justice, d’humanité coopérante et pacifiée est lié à une doctrine qui ne sépare point l’intelligibilité de l’intelligence ni l’intelligence de la réalité du bien absolu et de la vivante charité : certitudes qui, loin d’être opprimantes et stabilisantes, sont libératrices, pacifiantes et expansives à l’infini.

Enfin cette largeur d’esprit et de cœur justifiait une sereine intransigeance, toujours compatible avec la plus serviable condescendance, l’aimable franchise et la patiente indulgence. C’est avec fermeté, mais avec modestie, qu’il savait maintenir ses convictions de philosophe, de patriote et de croyant. Non pas que dans la sérénité de sa foi il ait à aucun moment de sa vie assujetti sa pensée à une immobilité contraire aux lois essentielles d’un vivant esprit. On s’en rendra compte en comparant sa première étude du spinozisme à celle qu’il a publiée seize ans plus tard afin de corriger dans son interprétation quelques erreurs de jeunesse. On s’en assurera mieux encore en lisant certaines de ses conférences à « l’Union pour la Vérité » et surtout la belle préface placée en tête de la thèse de Th. Cremer : Le problème religieux dans la philosophie de l’action (Alcan, 1912), où Delbos marque avec tant de douce exactitude les raisons impersonnelles de sa foi personnelle en face des solutions auxquelles s’arrête son ancien élève.

C’est sous cette inspiration que Victor Delbos