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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/94

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dans leurs actions que des effets du monde extérieur : ce sont les dogmatiques nés. — Les autres, au contraire, sont convaincus de l’indépendance et de la suffisance de leur moi, qu’ils sont décidés à faire valoir à tout prix, sans chercher pour elles un appui dans le monde, en les mettant même à l’abri de cette action des choses qui les convertirait en illusions : ce sont les idéalistes nés. Les premiers croient d’abord aux choses, et ensuite à eux-mêmes ; les seconds croient d’abord à eux-mêmes, et ensuite aux choses. Eh bien ! ce qu’on choisit comme philosophie dépend de ce que l’on est comme homme ; car un système philosophique n’est pas un ustensile mort que l’on puisse déposer ou reprendre à volonté ; c’est quelque chose d’assumé par l’âme même de l’homme qui le possède. C’est pourquoi, même si l’on démontrait au dogmatique l’insuffisance de son principe, ce serait peine perdue ; car il faudrait que cette insuffisance lui fût encore manifestée à l’intérieur de lui-même par une action personnelle qu’il n’accomplit point (I, pp. 429-435).

Et cependant cette insuffisance peut être démontrée : car le dogmatique doit être en état d’expliquer au moyen de la chose en soi la représentation, et précisément cette explication lui est impossible. En effet, l’intelligence a pour caractère de s’apercevoir elle-même ; qu’elle produise ses états ou qu’elle les subisse, dans les deux cas, elle a conscience qu’elle produit ou qu’elle subit ; en d’autres termes, l’intelligence est pour elle-même ; il y a en elle une double série, indissoluble, de l’être et de la perception, du réel et de l’idéal. Au contraire, la chose n’est pas pour elle-même ; il n’y a en elle qu’une série, la série du réel, de ce qui est posé. Or le dogmatisme doit,