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Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/123

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douce promesse de sa miséricorde, Dieu lui envoyait cette espérance ineffable…

En revenant le long d’un sentier du parc, Alix et Gaétan se trouvèrent tout à coup en face d’Even qui marchait lentement de long en large, sa mère à son bras, comme s’il eût attendu le passage de ses neveux.

— Vous profitez aussi de cette belle soirée ? dit-il en s’arrêtant. L’air est délicieusement tiède…, il fait si bon respirer !…

Il s’interrompit et sa voix, devenue railleuse et brève, continua au bout d’un instant :

— Ne pensez pas que je dise ceci pour moi… Je ne ressens plus rien… mais ma mère est si heureuse !

— Pauvre grand-mère ! murmura Alix en posant sa main sur celle de l’aïeule.

Un léger tressaillement agita la vieille dame.

— Ma Gaétane ! dit-elle d’un ton d’extase.

Even eut un brusque mouvement, qui faillit renverser sa mère.

— Elle ne s’appelle pas ainsi, maman, vous le savez bien ! dit-il avec irritation. Celle qui portait ce nom n’existe plus…

— Pourquoi lui ôter son illusion ? murmura Alix d’un ton de reproche. Pauvre chère grand-mère, elle a dû tant souffrir !

— Qui n’a pas souffert ici ? dit Even entre ses dents serrées.

Sa physionomie s’était contractée sous l’empire d’une mystérieuse souffrance. Il se remit silencieusement en marche, suivi de ses neveux… Au bout de quelques minutes, la jeune fille dit doucement :

— Vous êtes parti, hier, sans que je m’en aperçoive, mon oncle, m’ôtant ainsi la possibilité de vous remercier.

Il haussa les épaules avec brusquerie.