Aller au contenu

Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sement, j’ai résisté davantage, mais pourtant… quelquefois…

Elle s’arrêta en baissant les yeux d’un air honteux. Alix se souvint alors des accès d’humeur taciturne et bizarre qui l’avaient surprise chez la Bretonne.

— Pauvre Mathurine, je suis sûre que cela ne vous est pas arrivé bien souvent ! dit-elle avec une affectueuse compassion.

— Beaucoup trop, mademoiselle, beaucoup trop ! s’écria Mathurine d’un ton désolé. Voyez-vous, c’est une mauvaise habitude dans notre pays… alors, dame, on résiste plus difficilement que d’autres à la tentation. Elle le savait bien, celle qui venait me flatter, m’entortiller avec ses belles paroles et m’étourdir avec son poison…

— C’est égal, Mathurine, je ne puis comprendre comment un caractère tel que l’était autrefois celui de mon oncle, d’après ce que j’en ai entendu dire, n’ait pas eu l’énergie de résister…

— Mais, mademoiselle, vous ne vous figurez pas comme sa volonté était affaiblie après ce malheureux séjour à Paris !… Et vous ne connaissez pas encore toute la ruse, l’extraordinaire adresse de sa sœur ! Elle ne lui a pas offert comme cela, de but en blanc, une de ses maudites bouteilles… Oh ! non, elle s’y est prise bien lentement et lui, sans doute, au bout de quelque temps, a trouvé doux d’obtenir ainsi quelques instants d’oubli. Cela s’est fait ainsi… Deux larmes coulaient lentement sur ses joues flétries.

— Quelle malédiction est donc sur cette demeure ? gémit-elle douloureusement.

— Mathurine, pourquoi y restez-vous, malgré tout ? Pourquoi n’avez-vous pas suivi ma mère, que vous aimiez tant ?

— Oh ! j’y ai bien pensé et je l’ai proposé à ma