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Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/135

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Et voici que l’écrivain encensé, écouté avec admiration par les intellectuels et les snobs, lui, oracle et idole d’une pléiade athée, s’aperçut tout à coup avec stupeur que cette petite fille demeurait d’une froideur de marbre et que ses frais d’éloquence se heurtaient à la plus dédaigneuse indifférence !…

Cette constatation était un rude coup pour l’orgueilleux Maublars. Dominant avec peine son irritation, il se leva pour prendre congé, malgré les protestations de Georgina.

— Amenez-moi au plus tôt toute cette jeunesse à la villa, Georgina. Nous la distrairons et la changerons… Oui, nous la changerons ! répéta-t-il sur un ton de défi menaçant.

— Oh ! j’ai toute confiance en vous sur ce sujet ! À bientôt donc, Roger.

— Oui, à bientôt… N’est-ce pas, mademoiselle, vous viendrez faire connaissance avec ma petite bicoque ?

Alix soutint fermement le regard aigu de l’écrivain, tout en répondant d’un accent glacé :

— Je vous remercie, monsieur, mais nous sommes en deuil et ne faisons, par conséquent, aucune visite.

— Qui vous parle de visite ?… Ce sera absolument sans cérémonie, en voisins. Je suis un ancien ami de la famille, j’ai connu votre mère…

Ces derniers mots sortirent de ses lèvres par un violent effort, et les veines de son front se gonflèrent tout à coup sous l’empire d’une irrésistible émotion…, haine et colère mêlées, car ces deux sentiments se lisaient dans les yeux pâles de Maublars.

— Oui, oui, soyez sans crainte ! s’empressa de répondre Georgina. Alix est une petite sauvage, qui a toujours plein les poches de raisons ridicules. Dans quelques jours, Roger…

Les mots moururent sur ses lèvres : un pas vif