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Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/160

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ingrat silence. De plus, les souffrances endurées me tenaient dans une perpétuelle lassitude de corps et d’esprit… Aujourd’hui seulement, ayant arraché au docteur la vérité sur ma fin très proche, je viens tout te confier, ma seule amie, avec mission de la rapporter à mon frère si tu le crois nécessaire, car, autrement, pourquoi troubler son cœur loyal par cette pénible révélation ? Mieux vaut encore le laisser douter de moi si Georgina lui a renouvelé la calomnie déjà faite à Philippe… et tout me porte à le croire, car, sans cela, il aurait tenté de revoir celle qui était sa sœur préférée.

» Sais-je seulement si mes pauvres parents sont encore en vie ? Que s’est-il passé, depuis mon absence, dans ce cher Bred’Languest ?… Je tremble en y songeant…

» Bénie soit la souffrance qui m’a enfin ramenée à la foi et au pardon ! Après une longue résistance à la grâce, je comprends en arrivant aux portes du tombeau combien ont été coupables mes rancunes si longues et mes défaillances morales. Alix, tu en as ressenti indirectement les effets… Pardonne-moi, mon amie toujours chère. Oui, toujours, malgré tout, je t’ai aimée, comme aussi Even, mon bon frère.

» Cette longue lettre m’a épuisée… Cependant je voudrais te faire une dernière prière. J’ai trois enfants, Alix, et mon aînée s’appelle comme toi. Si tu savais quelle délicieuse nature possède cette enfant ! Sa seule vue est un adoucissement à mes cruelles souffrances… Et pourtant je feins envers elle l’indifférence et la froideur, afin que ma mort, depuis longtemps prévue, ne fasse pas un vide trop profond, un déchirement trop cruel à ce cœur sensible et aimant. Ma bonne cousine, je voudrais te voir entrer en relation avec ma chérie pour la conseiller et la diriger, car elle aura désormais la