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Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/85

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— Elles deviendront comme les autres, voilà tout ! dit-il entre ses dents serrées.

Une flamme étrange, mélange de haine et de désespoir, luisait entre ses cils épais, sa bouche se crispait amèrement… et la pauvre Alix se dit avec terreur qu’elle venait de rouvrir quelque mystérieuse blessure.

Elle était seule avec un enfant dans cette solitude, seule en présence de cet être bizarre dont laraison, parfois, lui semblait problématique. Ses doigts se joignirent instinctivement, son cœur s’éleva en une ardente prière vers Marie, secours des chrétiens…

— Mais, d’abord, comment savez-vous ce que sont ces livres ? reprit la voix sardonique. Vous les avez lus, sans doute ?

La jeune fille bondit. Ses grands yeux bleus, étincelants de mépris indigné, se levèrent vers Even, le forçant à baisser les siens.

— Qui vous a donné le droit de m’insulter ainsi ? Ignorez-vous donc que je suis chrétienne et que jamais, même au prix de ma vie, je ne lirais une de ces lignes maudites… Mais vous ne me croyez pas, car vous ne devez plus croire à la vertu, à l’honnêteté ni à l’honneur !

Empreints d’un indicible mépris, ces mots s’étaient échappés des lèvres frémissantes de la jeune fille. L’effet produit fut foudroyant… Even, devenu livide, saisit le dossier d’une chaise et le serra avec une telle violence que le bois vermoulu se brisa. Une colère folle bouleversait ses traits si souvent rigides… Tout à coup, il s’avança brusquement vers Alix.

— Écoutez, je vous ai donné le droit de le penser, dit-il sourdement, aussi est-il juste que je vous pardonne cette parole… Et, cette fois encore, je dois vous demander pardon. Je sais et il appuya for-