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Page:Delly - L'orpheline de Ti-Carrec, 1981.pdf/197

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La révolte, enfin, montait en cette âme qui, depuis des années, se contraignait à la patience, restait fière et muette devant les injustices, la malveillance de ces trois femmes par qui elle avait tant souffert. Aujourd’hui, une force inconnue s’agitait en elle. Le désir d’échapper à cette existence devenait plus ardent. Était-ce parce que, depuis quelques heures, des sentiments nouveaux, encore imprécis, s’agitaient en elle ?

Oui, il lui semblait que, depuis cette nuit, elle était une autre Gwen, comme si un voile eût commencé de s’écarter devant elle.

Une autre Gwen, qui ne pourrait plus continuer d’être la servante maltraitée des dames Dourzen, parce que la conscience de sa personnalité s’éveillait impérieusement — peut-être aussi parce qu’elle savait maintenant qu’entre toutes les femmes présentes Dougual de Penanscoët l’avait choisie, elle seule, et qu’après sa fuite il n’avait pas reparu parmi ses hôtes.

Une joie mêlée d’orgueil gonfla son cœur, sous la vieille robe tout à l’heure passée à la hâte ; elle frissonna longuement. Était-ce la fraîcheur de l’aube qui s’insinuait en elle ? Oui, sans doute… Et puis aussi un peu de fièvre, un peu de cette fièvre, de cet émoi grisant, mêlé d’effroi, qu’elle avait ressenti près de Dougual et dont elle ne s’était pas encore délivrée, depuis lors.

Un merle se mit à siffler, dans un arbre voi-