Aller au contenu

Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion


cœur sursaute dans sa poitrine à l’approche d’une femme, accoste le masque noir et, sans préambule, lui offre à souper. Repoussé du geste, sentant qu’il a fait fausse route, le chérubin humilié risque une déclaration à la fois tremblante et enflammée, met aux pieds de l’inconnue sans visage son cœur qui déborde de poésie, et module, avec une effronterie lyrique, ses aspirations vagues et curieuses vers l’éternel féminin. Un passant, à moitié ivre, interrompt le soupirant et lance à la femme quelques mots goguenards qui la font fuir. Paul de Bréville arrête l’insolent ; ils échangent leurs cartes et ils se battent le lendemain.

La pièce, dès le second acte, abandonne le tremplin de la parade et l’agitation tapageuse où elle est née pour rentrer dans l’ordre tempéré des comédies de mœurs. Paul blessé a été recueilli dans une maison inconnue. Presque guéri, il est venu porter à son hôtesse ses remercîments et prendre congé, quand, à un indice futile, il devine en elle la femme pour laquelle il s’est battu, dont il n’a pas vu le visage mais qui est demeurée logée dans ses rêves. Après quinze jours d’incubation, l’amour éclate. Les quarante ans de Mme Maréchal ne lui ôtent pas son prestige. C’est une personne de vertu renfermée et branlante qui, comme la maîtresse de Henri Mauperin, Mme Barjot, se sent assoiffée par les ivresses et par les passions dont la curiosité et le désir ont couvé toujours en elle, sous son existence régulière. L’heure est fatale. Mme Maréchal sent que son sexe lui échappe et va lui fermer à jamais les arcanes de l’amour. Elle commence par railler doucement la sentimentalité du jeune homme. L’honnêteté de la femme dégèle au contact de la lave que Paul insinue dans son oreille. Elle le repousse néanmoins ; mais, dans un grand geste de désespoir, la blessure mal