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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/155

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la princesse a dominé les malintentionnés et a gagné le bon public qui ne croit pas aux purs mensonges et qui s’imagine qu’il y a toujours quelque chose de plus ou moins fondé dans une calomnie. Notez que s’il y avait eu quelque chose de vrai dans cette protection, c’eût été tout à l’honneur de la princesse et on eût dû plutôt l’en remercier. Loin de là, ça été le point de départ de toute une série de méchants propos, d’insultes, de lettres anonymes. Sacy en a reçu une, rien qu’à propos de quelques lignes qu’il a signées imperceptiblement dans les Débats. La princesse était mêlée à tout cela d’une manière odieuse. À vous dire vrai, il règne en ce moment de très mauvais symptômes : c’est tout un ensemble, mais ce qui était innocent ou louable, il y a deux ou trois ans, est incriminé aujourd’hui. Désordre des écoles, petite émeute en faveur des compromis de Liège, cabales dans les théâtres de la rive droite, fureurs, manifestations plus que patriotiques en faveur de quelques arbres du Luxembourg, etc. Si vous étiez un diplomate étranger, résidant à Paris, vous auriez une belle dépêche à écrire là-dessus à votre gouvernement… La position de nos amis est excellente… L’opinion est excitée, l’attention est sur eux ; tant mieux pour leur prochain roman ou leur prochaine pièce. Ils sont maintenant en pleine lumière et en rase campagne. »[1]

Les feuilletons dramatiques des grands journaux paraissent à Paris, les dimanches soir, avec la date des lundis. Six jours après la première représentation, la presse, presque entière, arriva à la rescousse contre les cabaleurs. Elle ne fut pourtant pas unanime. Cette pièce, disait M. Étienne Arago, dans l’Avenir national, « a donné, par de brutales inconvenances, l’exemple des excès. » M. de Pène, dans la Gazette des Étrangers, M. Aubry-Foucault, dans la Gazette de France criaient au scandale : « Le drame primitif finissait par un assassinat ; dans le drame corrigé, Henriette se lève, au moment où son père abaisse son pistolet et s’écrie : “Mon père, c’était mon amant !” Après un tel cri, son mariage avec Paul devient inévitable.

  1. Lettres de Jules de Goncourt, p. 247.