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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/179

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gers a été le crime des aristocrates, la guillotine celui des républicains, et les auteurs tiennent la balance égale entre les deux partis. Singulière époque sur laquelle on ne peut faire encore que des plaidoyers. Mais on entend trop ici les voix contraires, ce qui ôte au drame le souffle passionné qui entraîne les spectateurs. Chaque scène est éloquente et vigoureuse, mais les arguments opposés se valent et l’on ne sait qui choisir. Cette haute impartialité vient sans doute d’esprits élevés, mais le drame, en tant que drame, y perd en puissance et en intérêt.

Sans compter qu’il ne remplit pas pleinement son titre, car la toile tombe sur une scène d’échafaud et non pas sur la patrie délivrée. C’était le dénouement nécessaire d’une action qui a pour titre la Patrie en danger. Le titre primitif, Mademoiselle de la Rochedragon eût permis aux auteurs de conclure à leur guise, mais, le 7 mars 1868, quelques heures avant la lecture de leur pièce au comité de la Comédie française, ils recevaient la visite d’une personne qui leur apprenait l’existence d’une marquise de la Rochedragon, « d’une vieille femme qui souffrait de l’idée de se voir affichée, imprimée. » Et les auteurs, devant ce sentiment respectable, consentaient à un changement de titre.

Le comité trouva la pièce dangereuse et prétendit que la censure ne permettrait jamais, sur la scène, cet étalage dangereux de sentiments révolutionnaires. La pièce refusée rentra dans les cartons des auteurs, et, cinq ans après, en 1873, quand M. Edmond de Goncourt la publia chez Dentu, il la fit précéder des explications suivantes : « Maintenant, si cela intéresse quelques personnes de savoir les raisons pour lesquelles je renonce à épuiser toutes les chances d’une représenta-