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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/242

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vigueur, de leur souplesse presque fluide, de leur grâce ondoyante, de leur précision mathématique, de la propriété des mots, comme ils ont, eux ! la propriété des mouvements, nous serions de grands écrivains… Je suis convaincu que, pour qui a le sentiment des analogies et la puissance des mystérieuses assimilations, les regarder, c’est apprendre à écrire. N’a-t-on pas dit d’une danseuse célèbre que tous ses pas étaient des sentiments ? Pourquoi un grand clown, — car, à sa manière, un clown qui est un artiste peut très bien être grand, — ne serait-il pas quelque chose comme un Rivarol et un Hogarth en action ? Étincelant comme l’un avec son corps, terrible et grotesque comme l’autre. Je ne reprocherai donc pas à l’auteur des Frères Zemganno d’avoir abaissé son sujet en choisissant deux clowns pour incarner dans ces deux hommes qui semblent n’avoir qu’un corps et qui passent leur vie à le retourner comme une paire de gants, un superbe sentiment, un de ces sentiments qui impliquent une âme élevée et charmante. »[1]

Les lettres inédites que voici, adressées à M. Alphonse Daudet, semblent lui attribuer une impulsion dans l’idée que réalisa M. de Goncourt de faire un roman des Frères Zemganno. La dédicace écrite au front du livre semble aussi rattacher ce volume au « gracieux ménage ».

Lundi, 7 octobre 1878.
Mon cher petit,

Je vous ai obéi. Je suis dans les deux clowns et j’ai presque un chapitre de parachevé. Seconde manière des Goncourt qui m’amuse infiniment. Je serai bien heureux de lire cela un jour au ménage pour qu’il me donne le petit bravo qu’on accorde aux exercices de mes héros.

  1. Constitutionnel, 12 mai 1879.