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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/273

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de sa propre pensée que pour sonder la vôtre. La physionomie entière exprime noblesse, dignité et, dès qu’elle s’anime, la grâce unie à la force, la joie qui naît d’une nature saine, la franchise et la bonté ; parfois aussi le feu et l’ardeur. La joue, dans une juste colère, est capable de flamme. Cette tête si bien assise, si dignement portée, se détache d’un buste éblouissant et magnifique, se rattache à des épaules dignes du marbre. Les mains, les plus belles du monde, sont tout simplement celles de la famille ; c’est un des signes remarquables chez les Bonaparte que cette finesse de la main. La taille moyenne paraît grande parce qu’elle est souple et proportionnée ; la démarche révèle la race ; on y sent je ne sais quoi de souverain et la femme en pleine possession de la vie. »

Donc MM. Edmond et Jules de Goncourt furent invités à dîner à Saint-Gratien et la date fixée par Mme la princesse Mathilde coïncida, par hasard, avec la mort d’une domestique à laquelle ils étaient fort attachés, Rose, dont ils allaient apprendre les débordements morbides et faire Germinie Lacerteux.

À partir du jour où les deux frères connurent la princesse, des relations cordiales s’établirent entre eux. Mainte fois, dans le Journal, ils sont revenus à son portrait, appuyant un contour, ajoutant un détail d’où la femme sort toujours plus séduisante et meilleure :

28 janvier 1863. — Une physionomie curieuse que celle de la princesse, avec la succession d’impressions de toute sorte qui la traversent, et avec ces yeux indéfinissables, tout à coup dardés sur vous et vous perçant. Son esprit a quelque chose de ce regard. C’est tout à coup une saillie, une échappade, un mot peignant, à la Saint-Simon, une chose ou quelqu’un. C’est ainsi qu’elle définit je ne sais plus qui par cette phrase : « Un Monsieur qui a sur les yeux la buée d’un tableau ! »

18 janvier 1865. — Un grand éloge à faire de la princesse,