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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/42

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rieux, des attaches psychiques, des atomes crochus de natures jumelles, et cela quoiqu’ils fussent d’âges très différents et de caractères diamétralement opposés. Leurs premiers mouvements instinctifs étaient identiquement les mêmes. Ils ressentaient des sympathies ou des antipathies pareillement soudaines, et, allaient-ils quelque part, ils sortaient de l’endroit ayant, sur les gens qu’ils y avaient vus, une impression toute semblable. Non seulement les individus mais encore les choses, avec le pourquoi irraisonné de leur charme et de leur déplaisance, leur parlaient mêmement à tous les deux. Enfin les idées, ces créations du cerveau dont la naissance est d’une fantaisie si entière… les idées naissaient communes aux deux frères. »

Ils furent frappés par la perte de leur mère, le 5 septembre 1848. Elle mourut dans le département de Seine-et-Marne, au château de Magny qu’habitait alors la famille de Villedeuil. Jules écrivit, quelques jours après, à son ami Louis Passy : « Ma pauvre mère est morte… Nous avons espéré jusqu’au dernier moment. Ma mère était malade, bien malade ; je le savais, lorsque nous l’avons menée à Magny ; mais sa maladie, par la nature des crises et des mieux successifs, nous faisait sans cesse passer aux deux extrêmes de l’espérance ou de l’inquiétude. Pendant cette rechute qui devait la tuer, le médecin nous donna, chaque jour, pour nous déguiser le péril qu’il savait imminent, des espérances qui devaient être cruellement déçues. Mais, le mardi, on la trouva si mal qu’on l’administra à deux heures. Quand cette navrante cérémonie fut terminée, ma mère nous dit : “Tout est donc terminé !” Elle ne voyait pas les approches de la mort ; elle ne savait pas qu’elle allait mourir ! Une mère tient tant à la vie ! Alors elle fit part à Edmond de ses dernières volontés