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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/99

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À Mme de Mailly succéda Félicité de Nesles, très jeune, laide et mal bâtie, mais d’un esprit, d’une verve endiablée qui réussit à distraire Louis XV en l’entraînant dans un tourbillon de dissipation et d’imprévu. Mme de Mailly, qui avait fait sortir sa sœur du couvent pour qu’elle vînt passer quelques jours auprès d’elle, à Versailles, fut frappée d’une grande tristesse quand elle se vit supplantée ; mais, sans force pour rompre, elle accepta les rares visites du roi, à façon d’aumône, que voulait bien tolérer, encourageait même la nouvelle maîtresse.

La mort, une mort violente et inattendue comme un crime, mit fin à ce honteux partage. Félicité de Nesles, mariée à un complaisant, le comte de Vintimille, fut enlevée par une fièvre miliaire. Un nouvel astre apparut alors, Mme de la Tournelle, la troisième des Nesles, sèche et méchante, celle-là, mais belle, et qui, avant de se livrer, exigea du roi un titre de duchesse, des gages réguliers assurés sur le Trésor, et le renvoi de sa sœur aînée : « Il fallait voir la jeune femme avec son teint à la blancheur éblouissante, sa marche molle, ses gestes spirituels, le regard enchanteur de ses grands yeux bleus, son sourire d’enfant, sa physionomie tout à la fois mutine, passionnée et sentimentale, ses lèvres humides, son sein haletant, battant, toujours agité du flux et du reflux de la vie. Et cette beauté de Mme de la Tournelle se montrait accompagnée d’un doux enjouement, d’un art de ravir tout naturel et sans effort, d’une légère ironie du bout des lèvres, et, contraste charmant, d’un esprit qui paraissait venir de son cœur quand on parlait de choses tendres ou sensibles. »[1]

Le rôle qu’elle joua dans les événements de 1744

  1. La Duchesse de Châteauroux, p. 272.