Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/229

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était celui du Sud-Ouest, celui de l’Ouest l’était déjà moins, et le plus bolcheviste était celui du Nord. En dehors des productions littéraires locales, cette presse accueillait, dans bien des cas, les arrêtés et les résolutions non seulement des partis nationaux les plus extrêmes, nais aussi bien ceux des Allemands.

Il serait cependant injuste de faire croire à une influence directe de cette littérature sur la grande masse des soldats. Cette influence n’existait pas, comme il n’y eut d’ailleurs, en ces jours, pas de journaux populaires accessibles à leur entendement. La presse exerçait de l’influence sur la catégorie des soldats plus ou moins instruits qui entraient dans les cadres de l’armée. Ce milieu se rapprochant le plus de la mentalité des soldats dans leur masse, c’est à lui qu’échut en partie l’autorité qu’exerçait auparavant sur les hommes le corps des officiers. Les idées recueillies dans les journaux et reflétées par ce milieu, pénétraient ensuite, sous une forme déjà simplifiée, dans les rangs des soldats qui, malheureusement, étaient en grande partie illettrés et ignorants. Là, en définitive, toutes les notions, dépourvues des subtils artifices de l’argumentation, devenaient extraordinairement primitives et effroyablement logiques dans leurs déductions. Ce qui y prédominait était la négation absolue :

— À bas ! à bas le gouvernement bourgeois, à bas les chefs contre-révolutionnaires, à bas le « massacre sanglant », à bas tout ce dont on était lassé, dégoûté ou qui d’une manière ou d’autre se mettait en travers des instincts zoologiques et contraignait la « volonté libre » des individus. À bas toute chose !

De cette façon rudimentaire l’armée, dans ses innombrables meetings de soldats, résolvait toutes les questions politiques et sociales qui agitaient l’humanité.

* * *


Le rideau est baissé ! Le traité de Versailles a suspendu momentanément la lutte armée dans l’Europe centrale, afin que, selon toute évidence, les peuples, ayant amassé des forces nouvelles, reprennent les armes dans le but de briser les chaînes que leur a imposées la défaite.

L’idée de la « paix universelle » que depuis vingt siècles professe le Christianisme est enterrée pour longtemps.

Combien naïfs et puérils nous paraissent les efforts des humanistes du dix-neuvième siècle qui réclamaient ardemment l’adoucissement des horreurs de la guerre et l’introduction des mesures restrictives du droit international, maintenant que nous savons qu’on peut non seulement violer la neutralité d’un pays cultivé et paisible, mais encore le livrer à l’envahissement et au pillage ;