Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/91

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lui pesait, et, ensuite, comme professeur à l’Académie, rouverte à cette époque, Markov revint à l’armée et la révolution le trouva avec le grade de général, attaché au service du commandant en chef de la 10ème armée.

Au commencement de mars, une sédition éclata parmi la nombreuse garnison de la ville de Briansk. Elle fut suivie de massacres et d’arrestations d’officiers. Markov y fut envoyé pour rétablir l’ordre. Une grande excitation régnait dans la ville. Markov prononça plusieurs discours au Soviet des nombreux délégués militaires, et après de longues discussions tumultueuses, passionnées par moments menaçantes, obtint une résolution en faveur du rétablissement de la discipline et la libération des 20 officiers arrêtés. Cependant, après minuit, plusieurs compagnies armées marchèrent sur la gare pour en finir avec Markov, Bolchakov, et les arrêter. La foule était excitée au plus haut degré. La situation devenait dangereuse. Mais la présence d’esprit de Markov sauva tout le monde. Parvenant à couvrir le tumulte de la foule, il lui adressa un discours vigoureux. Cette phrase lui échappa :

— S’il y avait ici un seul de mes tirailleurs de fer, il vous dirait ce qu’est le général Markov !…

— J’ai servi dans le 13ème régiment, s’exclama un soldat dans la foule.

— Toi ?

Markov repoussa avec force ceux qui l’entouraient, s’approcha rapidement du soldat et le saisit au collet :

— Toi ? Eh bien, frappe ! La balle ennemie m’a épargné dans les combats. Que je tombe donc de la main de mon tirailleur !…

L’excitation de la foule éclata de plus belle, mais cette fois c’était de l’admiration. Et parmi les hourras frénétiques et les applaudissements de la foule, Markov et ses compagnons partirent pour Minsk.

Markov fut entraîné par le courant grossissant des événements et il s’adonna tout entier à la lutte, ne pensant jamais à lui ni à sa famille, tantôt plein de confiance, tantôt désespérant, aimant la Patrie, plaignant l’armée, qui n’a jamais cessé de tenir une grande place dans son cœur et dans son esprit.

Au cours de mon exposé je m’arrêterai plus d’une fois sur la personne de Serge Markov.

Mais je n’ai pas pu m’empêcher de satisfaire le besoin intime d’ajouter dès maintenant quelques modestes lauriers à sa couronne.

Cette couronne que deux amis fidèles déposèrent en juillet 1918 sur sa tombe.

Avec cette inscription :

« Il a vécu et il est mort pour le bonheur de la Patrie. »