Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/176

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truie la plus grande que oncques avoit vu, mais elle étoit tant maigre que par semblant on n’y veoit que les os et la pel ; et avoit un musel long et tout affamé. Le sire de Coarraze s’émerveilla trop fort de cette truie et ne la vit point volontiers, et commanda à ses gens : « Or, tôt mettez les chiens hors, je veuil que cette truie soit pillée. » Les varlets saillirent avent, et défrêmèrent le lieu où les chiens étoient et les firent assaillir la truie. La truie jeta un grand cri et regarda contremont sur le sire de Coarraze, qui s’appuyoit devant sa chambre à une étaie. On ne la vit oncques plus, car elle s’éclipsa, et on ne sçut que elle devint.

« Le sire de Coarraze rentra en sa chambre, tout pensif, et lui alla souvenir de Orton, et dit : « Je crois que j’ai huy vu mon messager ; je me repens de ce que je l’ai huyé et fait huïer mes chiens sur lui ; fort y a si je le vois jamais, car il m’a dit plusieurs fois que sitôt que je le courroucerois je le perdrois et ne revenroit plus. »

« Il dit vérité.

Oncques puis ne revint en l’hôtel du seigneur de Coarraze, et mourut le chevalier dedans l’an suivant. »