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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/216

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À droite et à gauche, de lents et mélancoliques mugissements sortis du fond des pâturages s’en viennent mêler leur primitive harmonie aux cris lointains des pâtres et aux babillements des clochettes appendues au cou des brebis. Au loin, enfin, d’âpres rochers enfarinés d’éblouissantes neiges se dressent devant vous comme autant de points d’exclamation. De leurs flancs raboteux et sombres, brûlés par le soleil, desséchés par le vent du nord, crevassés en tous sens, fendillés par le souffle impétueux des orages, semblent de temps à autre s’élever de sinistres murmures qu’on serait tenté de prendre pour autant de blasphèmes adressés à la nature, qui ne cesse d’être pour eux une impitoyable marâtre.

Plus on avance et plus le paysage prend d’attristants aspects. Petit à petit la route s’enfonce tellement entre sa double cloison de montagnes, qu’à chaque instant d’énormes masses calcaires semblent vous barrer le passage. Répercutés, redoublés, multipliés par les sonores échos des montagnes, les rugissements du Gave qui se brise vous attristent de leurs sons déchirants ; on dirait toujours le funèbre prélude de quelque drame lugubre et terrible, tant ces gorges étroites, étranglées, manquant tout à la fois d’air et d’espace, semblent fatalement prédestinées à servir de scène à de tor-