Aller au contenu

Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment du terrain sur eux. Chaque flot qui venait noyait dans son écume les traces mousseuses de son aîné. Et pourtant, tant il est vrai qu’on renonce avec peine à toute lueur d’espérance, quelque vague qu’elle soit, ni l’un ni l’autre ne quittait des yeux le rocher noir que vous savez. Comme ils le regardaient anxieusement tous deux, une montagne de neige vint si bien couvrir sa cime hérissée qu’on eût dit qu’elle l’avait entraînée dans sa marche furibonde.

Édère poussa un cri. Oura, lui, pâlit et murmura tout bas : « Mon Dieu, ayez pitié de nous ! » Puis se tournant vers Édère : « Pauvre enfant ! ne m’en veux-tu pas ? ne m’accuses-tu point de t’avoir amenée ici ?

— Mourir avec toi, dans tes bras, est, après une vie semblable, ce que j’ai toujours demandé à Dieu !

— Oh oui !… tu es bonne… tu es aimante comme pas une autre !… mais mourir à ton âge ! mourir si jeune, ce serait affreux !

Tandis qu’ils échangeaient ces paroles tout en suivant avec effroi les progrès lents mais sûrs de l’élément furieux, vous eussiez dit deux des premiers martyrs du christianisme exposés aux bêtes dans une arène de la Rome antique et forcés d’envisager face à face la rage impatiente des animaux