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Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/35

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les opiniâtres

comprend mal que ces harts flexibles et rares, vacillant ici et là, aient opposé à l’envahissement, durant l’été, de si inextricables entrelacements. Seul conserve un peu de majesté le large élan des gros troncs d’un seul brin.

David Hache, menuisier, suivait Pierre de Rencontre. Les outils sur l’épaule, il maugréait à part lui.

— Jérémie ! ceux de son espèce, ils veulent bien tuer leur canard, mais non se lever à quatre heures du matin.

Les deux hommes déposèrent des colis parmi les feuilles. David Hache indiqua un chêneau. Pierre saisit sa cognée, un coin de fer au bout d’un manche de bois rond. Il le brandit ; l’instrument rebondit sur les fibres dures. De peine et de misère, Pierre déchiquetait le tronc à la manière des castors.

— Jérémie ! dit encore David Hache.

Sa hache à lui s’enfonçait avec précision, découpait des copeaux nets, approfondissait une entaille régulière. Un coup porté à faux, et le manche de la cognée de Pierre se rompit.

— Un enfant, pensa encore David Hache. A-t-il jamais vu un coutre avant aujourd’hui ? L’hiver va commencer et ça va être tout seul. Il faudra aussi voir ça au printemps parmi les maringouins.

Le soir, Pierre cueillit du bois sec ; il alluma le feu, il fit rôtir le lard salé dans la poêle à long manche. Un sourire timide sur ses lèvres, il s’amusait comme un enfant. Et David Hache l’observait froidement, comme un objet. Lui, le vieux boquillon le croquant élevé à la dure, il prenait la mesure de cet adolescent grandi dans l’aisance.

— Votre idée, c’est sérieux ? demanda-t-il.

— Oui, monsieur Hache.

— Appelez-moi Le Fûté, comme tout le monde.

Une journée de coups maladroits ; un seul arbre grignoté par la base, écuissé en tombant, pas