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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/15

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qu’aujourd’hui, car l’amertume remplissait mon âme : j’en voulais à l’univers entier de mon malheur, je ne savais ni oublier, ni pardonner : j’étais devenue méchante.

Puis, avec les années, le passé a reculé dans l’ombre, il est devenu comme un rêve cruel dont l’évocation me brisait, mais que peu à peu la vie active effaçait.

Quand j’appris qu’il n’était pas heureux, j’eus tant pitié de lui que je vis bien que je lui pardonnais et je retrouvai mon cœur : je compris tout ce qu’il importe de comprendre pour aimer la vie que Dieu nous donne et qu’il prolonge à sa volonté. Je vais mourir bientôt… je puis bien te dire ma dernière folie, ma petite : C’est que j’aimerais ne pas être trop loin de lui, au paradis ! »

Elle souriait, mais il y avait des larmes dans ses yeux où il s’était vu quand elle avait vingt ans. Et voilà les femmes ! Cette vieille demoiselle si digne, si sage, minutieuse et prosaïque, a dépensé beaucoup de sagesse au cours de sa longue vie, mais dans un coin secret de son cœur, elle a gardé l’amour de sa jeunesse et un de ses derniers souhaits c’est de « n’être pas trop loin de lui au paradis ! »


V

Pendant L’Épidémie


J’aimais tant les cloches qui mettent dans l’air de grands frissons harmonieux : elles