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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/28

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expérimenté : le souvenir de certaines heures de notre existence ne s’effacera jamais, c’est que nous les vivions avec toute la puissance de notre âme ardente et active. Pendant que je réfléchis, non sans remords, la neige mollement s’est mise à tomber, elle attache le ciel à la terre avec ses flots de tulle léger et flou : les maisons silencieuses s’animent, les fenêtres s’éclairent et les portes s’ouvrent : le clocher se détache comme une flèche noire sur le ciel si blanc, les saints du portique ont des auréoles d’étoiles et les cloches chantent éperdument : Noël ! Noël ! Venez tous !

Et nous allons dans cette douceur de l’air et de la neige nouvelle vers la douceur infinie de la crèche. Là, déposant le fardeau des journées lourdes et des cœurs las, nous avons oublié ce qui trouble et ce qui blesse, car tout cela passe. Redemandant des cœurs d’enfant humbles et obéissants, et la paix promise par les anges de Bethléem aux hommes de bonne volonté, nous avons attendu dans nos âmes, plus pauvres que la crèche de bois, la venue du Sauveur.

Et l’orgue et le chant s’élevèrent en prière, disant pour nous l’indicible, ce qui palpite au fond de nous par delà tous les mots. Rien ne demeura des vaines images et des vains bruits : les vieux cantiques naïfs déroulaient leurs ondes qui remplissaient nos yeux de larmes et la vieille église, de visions d’Orient.