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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/46

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les donner à ceux qui sont plus pauvres que nous.


XV

Le passant


Le feu brûlait en s’amortissant dans le gros poêle sur lequel la bouilloire chantait sa chanson fine, pendant que dans l’ombre du jour finissant, la vieille femme, frileusement, serrait autour d’elle son tricot en tirant son fauteuil près de la fenêtre. Aucun bruit ne troublait le calme de l’étendue blanche, qui, peu à peu, se voilait derrière les carreaux à demi-glacés. Une tourmente de neige menaçait et le vent, par tourbillons capricieux, soulevait des colonnes de poussière de neige. Son vieux tardait à rentrer : voilà que la boîte à bois était vide, et cette tempête qui s’élevait, vraiment il devrait être de retour ! Inquiète, elle égrenait, avec ses Ave, tout un chapelet d’accidents possibles, lorsque la silhouette d’un homme grand, mince et vieux se profila sur la route se dirigeant rapidement vers la maison. Mue comme par un ressort, la vieille fut debout, une terreur mystérieuse la clouant à sa place pendant que la porte s’ouvrait. L’homme s’avança et dit simplement : — Oui, Marie, c’est moi. — Une angoisse lui tordit le cœur, elle s’affaissa sur son fauteuil et se cacha la figure dans les