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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/48

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nouvelles, Marie, que tu étais remariée ! Il était trop tard pour revenir : je t’avais perdue par ma faute et je résolus de ne pas troubler ta vie. Mais on est lâche quand on est seul et j’ai vécu comme un ours, là-bas, rapport que je me croyais un assassin. L’idée de revenir au pays, de te voir, de t’expliquer tout, d’embrasser le petit, s’est mise à me ronger : je ne dormais plus, je ne pensais qu’à m’en aller, et quand je n’ai plus été capable de résister… — Oh ! Jean ! Jean ! sanglotait la pauvre vieille désespérément.

Il la regardait avec une grande pitié, puis il reprit : — À présent que tu sais pourquoi je ne pouvais pas te dire… rien, que je sais, moi, que tu ne peux pas m’en vouloir, je serai moins malheureux, et toi, Marie, il ne faut pas te faire de chagrin à cause de moi. Je vais m’en aller, mais je resterai au Canada… » Il se leva, et, solennellement : « Marie, écoute et rappelle-toi ce que je vais te dire, ça te consolera : après mon coup de tête, je n’ai jamais bu et je me suis conduit en homme, en honnête homme. Des fois, j’étais tenté, mais je pensais à toi et cela me tenait ferme. Je t’ai fait du mal mais c’est involontairement et je t’ai toujours aimée. Toi, tu ne m’as fait que du bien, faut donc pas avoir de chagrin ni de regrets… »

Leurs vieilles mains s’étreignaient à croire qu’elles ne pourraient être séparées que par la force. Elle essaya de protester : — Mais