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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/6

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II

Revenants


Quand on a l’âme bien lasse, un trou dans la tête autour duquel les idées tournoient sans pouvoir se fixer, ce devrait toujours être le signal du départ pour s’en aller loin de la vie trépidante et anormale des villes. Si, en cédant à cette impulsion sage, on tombe dans un petit village comme celui où me conduisit ma bonne étoile la semaine dernière, c’est d’un effet merveilleux et immédiat. Je me vois encore arrivant le soir à la petite station éclairée au pétrole. Mon hôte, propriétaire d’une maison de pension, fermée l’hiver, mais qui avait consenti à me louer une chambre, m’attendait avec sa voiture. Les chemins étaient mauvais et nous allions au pas, sous la lumière des étoiles qui frissonnaient dans l’eau noire et calme du fleuve. On prête naturellement ses propres sentiments à la nature et j’eus l’impression d’assister au grand repos des choses après une journée d’activité. Le vent avait dû courir comme un fou, les vagues rouler en écumant, et les feuilles sèches monter, descendre et tourbillonner sans but, et maintenant tout reposait, et l’apaisement de toutes ces agitations absorbait ma fatigue déjà.

On m’installa dans une chambre dont la porte ouvrait sur la grande salle, où la fa-