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Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/27

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— Ah ! ça ! Marcinel, gronda le Président irrité, c’en est trop ! Je suis vraiment bien bon d’écouter toutes vos sornettes. Quel mauvais livre révolutionnaire avez-vous donc lu, pour vous mettre des idées aussi saugrenues en tête ?

— L’Évangile, Monsieur le Président. Toutes les vérités éternelles y sont, éclatantes de simplicité. Mais les hommes n’ont point toujours les yeux assez ingénus pour les lire. C’est là que j’ai lu : « Ne jugez point ! » et la parole divine m’a paru proférer, sans ambiguïté possible, la conclusion qui était au bout de mes méditations et de mes incertitudes douloureuses. Vous connaissez aussi ce texte, Monsieur le Président ?

— Sans doute, mais tu en exagères ridiculement la portée, mon pauvre ami, fit le magistrat radouci, car il était très sincèrement pieux et la gravité respectueuse avec laquelle Marcinel avait parlé du livre saint l’avait touché ; — jamais Notre Seigneur n’a voulu dire qu’il ne fallait point juger les criminels…

— « Ne jugez point » est pourtant bien clair, Monsieur le Président. Pourquoi restreindre la lumière qui s’échappe de ces mots si précis et si simples ? Pourquoi vouloir interpréter, raccourcir à notre taille, diminuer de tous nos infimes commentaires humains, la formidable et impérative Parole ? Ah ! vous croyez que je me trompe, mais l’Évangile entier n’est que la figuration du Conseil divin, et s’il n’y était point exprimé formellement, encore tous les épisodes de la Passion le crieraient-ils à notre entendement ? Qu’est-ce donc que ce grand crucifix, dressé au centre de l’église, vers qui montent l’encens des sacrifices et les oraisons des fidèles, si ce n’est l’apothéose solennelle de