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Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/45

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affaire délicate avait abouti, après des débats fiévreux, à un châtiment terrible édicté en trois phrases par le Président, cela voilait d’ombre et d’inquiétudes le restant de sa journée. Il lui arrivait de se réveiller la nuit pour se demander s’il ne s’était pas trompé. Il lui arrivait d’accourir oppressé au greffe pour refeuilleter le dossier et vérifier tel ou tel détail. Il lui arrivait de frémir en songeant combien la manière dont se poursuivent, dans le mystère, les instructions préparatoires, présente pour le prévenu qui comparaît et pour le magistrat qui juge, peu de garanties contre l’erreur. Ah ! combien la justice civile était plus sûre et plus paisible, avec ses dossiers communiqués, ses plaidoiries complètes, son délibéré sérieux et son jugement appréciant un à un tous les arguments du débat.

Puis, insensiblement, la répétition des mêmes actes, la succession monotone des affaires sans qu’il se produisît jamais (à sa connaissance du moins) les catastrophes redoutées, endormit ses scrupules. Il accepta docilement la routine et condamna tout comme un autre. Mais il restait indulgent. Il avait une tendance à l’acquittement dans les affaires douteuses et abusait de la condamnation conditionnelle. Le Président le trouvait faible, alors que Jacquard l’était surtout vis-à-vis de lui et d’Adonis, avec lesquels il essayait parfois de discuter, mais auxquels il cédait toujours, dans un désir de paix et d’entente cordiale.

On comprendra à présent quel trouble pouvait apporter, dans une telle mentalité, la réflexion du Président Louvrier. Les défaillances et les gaffes de certains magistrats, les erreurs possibles, les punitions imméritées, tout cela n’avait