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Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/55

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IV


Aux premières rencontres, le juge Jacquard et le président Louvrier ne s’étaient senti nulle sympathie réciproque. Le premier estimait le second à cause de l’intégrité et de la dignité avec laquelle il remplissait, depuis de longues années, ses redoutables fonctions ; le président, lui, estimait l’intelligence et l’activité de Jacquard, mais pendant longtemps leurs relations se bornèrent à une déférence courtoise mutuelle qui leur permettait l’échange des amabilités coutumières et de superficiels commentaires sur les menus incidents de la vie judiciaire. Leurs âmes restaient fermées, sans rien se dévoiler d’essentiel et sans velléité de le faire. La jeunesse de Jacquard semblait téméraire au président, dont les idées paraissaient au juge, en revanche, parfois caduques et momifiées. Sentant le désaccord profond, irrémédiable que l’âge mettait entre eux, ils s’étaient tout d’abord efforcés, par des concessions spontanées, de prévenir toute discussion, toute occasion de conflit. Mais, depuis les entretiens que j’ai rapportés, un changement total s’était fait en quelques semaines. Le président, dans la conscience duquel les paroles de Frédéric Marcinel déroulaient insensiblement leurs conséquences révolution-