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Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/61

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Pourquoi ne pas refaire toute l’instruction, dès qu’il y a une requête à cet égard ? Et l’arrêt, rendu en deux phrases banales et stéréotypées, sans plus de motifs ni d’explications que le jugement, acquittant, condamnant, réformant sans qu’on sache pourquoi ? Ah ! il faut vraiment toute la docilité que nous avons pour les choses établies pour que nous ayons encore des illusions.

— C’est fort poussé au noir, tout cela. La Cour confirme presque tous nos jugements, vous semblez l’oublier.

— Mais non, mais non ! Je ne l’oublie pas. Il est agréable de se voir approuver, c’est clair ; mais cette approbation perpétuelle prouve justement que ce prétendu contrôle n’est qu’approximatif. Le décor est assez beau et les formes de la justice ont plus de majesté en appel qu’en première instance, mais, au fond, ce sont les mêmes traditions, les mêmes préjugés, le même esprit, avec de l’expérience et de l’autorité en plus, mais avec moins de jeunesse, d’audace et de souplesse intellectuelle.

— Quand vous serez conseiller, mon cher ami, vos idées se modifieront peut-être. En attendant, je maintiens que de tous ceux qui auront eu à apprécier une affaire, aura le mieux jugé celui qui aura le mieux appliqué la Loi.

— Ce souci est funeste, à mon sens. Car si la loi permet le pour et le contre, tolère des décisions contradictoires, si un même luxe d’arguments peut étayer des conclusions opposées, pourquoi nous obstiner à juger selon la loi et ne pas chercher simplement à juger selon la Justice.

Et Jacquard montra au Président la noble et grave estampe de Mellery : « Sans Bonté, la Justice forfait à sa