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Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/73

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voyons un peu ce qui va advenir demain. Celui qui est condamné définitivement adressera au Roi une requête en grâce et l’administration de la justice, qui n’a qu’une confiance restreinte dans le mérite de son système d’emprisonnement, accueillera son recours, comme de règle. Il ne fera point sa peine. Rien à l’occasion ne l’empêchera de recommencer ses méfaits. Et s’il recommence, il en sera quitte pour purger la peine nouvelle. Les deux autres, au contraire, auront à s’observer pendant le délai du sursis. S’ils viennent à défaillir, ils auront à expier les deux peines et n’obtiendront probablement pas de grâce. Ils seront, en réalité, traités dans ce cas plus sévèrement que le premier. Le juge aura atteint un effet contraire à ses intentions et il aura privé l’ordre social de la garantie relative de tranquillité qu’assurait la menace de la déchéance du sursis, au cas où le principal coupable eût été condamné conditionnellement. Nous ne pensons jamais assez à demain…

Ils se regardèrent, soudain graves. C’était encore la même pensée qui revenait conclure leurs discours. Elle avait trahi l’autre jour les méditations confuses du président. Elle se retrouvait à présent comme le terme des théories du juge. Tous deux sentaient vivement qu’il n’est point possible de juger les hommes selon des formules consacrées, ainsi qu’un commis expédie des écritures dans une administration, ainsi qu’un receveur d’enregistrement applique un droit fixe ou proportionnel, mais que tout était problème à scruter, depuis le point de départ jusqu’au point d’arrivée, à scruter d’un esprit indépendant et libre, et à résoudre avec clairvoyance et bonté, et que le