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Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/76

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bordée de magnifiques arbres séculaires, qui montait à perte de vue. Ils allèrent. La matinée était d’une fraîcheur exquise ; un beau soleil verseur d’allégresse s’élevait doucement dans un ciel d’un bleu éclatant et pur. Quelques nuages blancs, ronds et paresseux, accentuaient, tout en haut, là-bas, l’impression de lumière infinie et de sérénité. Dans la vallée flottaient encore les gazes ondoyantes des brouillards, accrochées et déchirées par les branches. On entendait au loin une cloche d’église qui sonnait, des bestiaux beuglant dans les prés, et, tout près, le continuel murmure du ruisseau limpide qui courait dans le fossé de la route. Sous les grands arbres verts, d’un vert neuf, léger et gai, la paix était ineffable. Il montait de la terre une odeur grisante de verdures et de sèves, et jamais, jamais, la fascination du printemps n’avait si profondément agi sur les promeneurs. Ils se sentaient allègres et pleins de forces joyeuses, reportés aux jours confiants de l’adolescence, quand tout paraît facile et délicieux. Ils allaient, avec un sentiment de sécurité absolue, vers la Simplicité, vers la Bonté, vers la Vie.

Dix heures. Ils pensèrent presque en même temps que, sans le loisir qui leur avait été fortuitement accordé, ils seraient tous deux, à cette heure, penchés avec maussaderie vers la complication et la tristesse du cortège des délits, du monotone cortège des coups et blessures, des vols et des adultères. Et ils poussèrent un victorieux soupir d’évadé. Ils s’emplirent la poitrine d’air frais et pur et leurs yeux s’étonnèrent de la splendeur du jour. Le souvenir de l’atmosphère moite et puante de la salle d’audience, de son éclairage douteux, de ses boiseries lustrées de