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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/112

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pourtant semblent contradictoires ; vous éprouvez un embarras singulier, et vous ne savez pas encore comment vous avez formé l’idée d’embarras ; vous cherchez, vous réfléchissez, et vous ne savez pas précisément ce que c’est que réfléchir, ni comment on réfléchit. Expliquons-le en passant ; ce sera toujours une idée éclaircie, et cela se retrouvera dans l’occasion.

Réfléchir, être réfléchissant, c’est l’état de l’homme qui desire apercevoir un ou plusieurs rapports, porter un ou plusieurs jugemens ; qui, en conséquence de ce desir, s’efforce de se rappeler d’abord des faits entre lesquels il puisse voir une liaison, et ensuite d’autres faits, pour s’assurer si cette liaison est bien réelle, si elle est constante ; et qui examine jusqu’à quel point on peut la généraliser, et enfin ce que l’on en peut affirmer sans se tromper ; voilà ce que c’est que réfléchir. L’embarras est le sentiment, la sensation interne qu’éprouve cet homme quand les faits lui manquent ou quand ils ne lui reviennent pas, ou quand il ne voit pas de liaison entr’eux, ou quand il en aperçoit qui lui semblent contradictoires, quand enfin il manque de moyens pour asseoir le