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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/139

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duit par un être quelconque, sans aucune désignation de cause ni de manière.

De même, des idées de verd, de jaune, de rouge, en faisant abstraction de leurs différences, je fais l’idée de couleur, qui n’exprime plus que la qualité commune à ces sensations d’être senties par l’œil comme les sons par l’oreille. Des idées de couleur et de son je fais l’idée plus générale de sensation, qui n’est que celle d’être sentie, n’importe par quelle voie.

De même encore, en revenant aux adjectifs cités ci-dessus, ce mot rouge, qui n’exprimait d’abord que la manière d’être rouge de la fraise, ensuite des fraises en général, puis des fraises et des cerises, devient petit à petit l’expression de ce que tous les corps rouges ont de commun entr’eux ; la même chose arrive au mot bon. À chaque degré de généralisation il y a des différences négligées, le mot change réellement de signification ; cela est si vrai, qu’il est manifeste que la bonté d’un homme, la bonté d’un fruit, la bonté d’un cheval, la bonté en général ne sont pas la même chose. Dans ces quatre cas, les mots bon et bonté sont appliqués à trois idées individuelles diffé-