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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/149

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agir spontanément comme moi, quand vous m’assurez que c’est en vertu d’impressions tout-à-fait semblables à celles que je vous dépeins comme existantes en moi, quand mille expériences continuellement répétées et toujours convaincantes me prouvent la vérité de ces assertions, il m’est bien difficile de vous refuser d’être des êtres sentans et par conséquent existans comme moi. Mais si j’étais le seul être animé sur la terre, et qu’un génie d’une espèce supérieure, supposé doué du talent de se faire entendre à moi, vînt me dire que tout ce que je crois voir et entendre, et tout ce que je crois faire, n’est qu’une suite d’illusions ; que je suis purement et uniquement une vertu sentante, incapable de toute autre chose que d’être affectée successivement de mille manières différentes ; que, quand je me meus, je crois me mouvoir ; que, quand je touche, je crois toucher : il est bien vraisemblable que ce génie me persuaderait ; il l’est surtout que, quand j’oserais douter de sa révélation, je ne saurais pas lui en démontrer la fausseté.

Cela est si vrai, que, sans que ce génie ait jamais apparu à personne, et malgré toutes