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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/184

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preuves directes, et qui n’est qu’un emploi abusif de deux idées généralisées. On dit : Une sensation pure et simple ne nous apprend rien que notre propre existence[1]. Sans doute cela est vrai de l’action de sentir en général, et de l’existence en général ; c’est-à-dire que quand on ne fait rien que sentir, on ne sent que sa propre existence : c’est certain. Mais une sensation réelle n’est pas l’action de sentir en général ; elle est un fait particulier ; elle ne nous fait pas sentir notre existence en général, mais une manière d’être déterminée ; elle est opérée par un certain mouvement de nos organes sentans, de nos nerfs. Or, qui est-ce qui pour-

  1. Si je voulais stipuler les intérêts de mon amour-propre, je pourrais dire que ce principe hasardé n’est pas de moi ; qu’il se trouve dans le Traité des Sensations, de Condillac, et que je n’ai fait que le pousser à l’extrême. Mais qu’importe à la science que le germe d’une erreur soit de moi ou d’un homme plus habile que moi ? Ce qui est utile, c’est de voir ce qui a pu égarer cet homme habile. D’ailleurs, si je voulais rejeter sur lui une faute dans laquelle son autorité a pu m’entraîner, je devrais commencer par lui restituer tout ce que je lui dois, c’est-à-dire presque tout ce que je sais, et même ce qu’il ne m’a pas appris directement, puisqu’il m’a mis sur le chemin de le trouver.