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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/340

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ses connaissances ; et tout surprenant qu’il nous paraît, il est facile de s’en rendre compte.

En effet, l’homme commence toujours par observer des faits ; mu par ses besoins, il en tire d’abord des conséquences pratiques ; il les varie, il les modifie, il les combine, il en fait mille applications ingénieuses, c’est-là ce qui constitue l’art ; et il jouit long-temps de ses succès avant de songer à rapprocher les uns des autres ces faits principaux, à les comparer, à examiner leurs rapports, à y découvrir des lois constantes, et à remonter par elles à des faits antérieurs moins nombreux, dont tous les autres ne soient que des conséquences. Or, c’est-là en quoi consiste la théorie : il faut avoir du temps de reste pour s’en occuper ; car, si elle donne de grands avantages pour l’avenir, elle ne pourvoit pas aux besoins du moment. Souvent les fruits utiles qu’elle peut produire sont impossibles à prévoir ; et on ne s’en aperçoit que quand elle est découverte, quelquefois même long-tems après.

Ainsi, par exemple, l’homme observe que le bois flotte sur l’eau, il en profite pour faire successivement un radeau, un canot,