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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/410

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si enfin nous pensions indifféremment dans toutes deux, la peine de la traduction serait nulle, ou plutôt il n’y aurait pas traduction. Mais je ne crois pas que cette parfaite égalité puisse exister dans une tête humaine ; et si elle a lieu, ce ne peut être qu’entre deux langues parlées, entre deux systèmes de signes vocaux : car nous avons vu qu’aucune autre espèce de signes ne peut devenir aussi profondément habituelle que les sons. L’opération de traduire dérange donc toujours la liaison de nos idées à certaines sensations.

Il n’en est pas de même de l’action de lire et d’écrire. L’effet de l’écriture est de nous rappeler un son fugitif par le moyen d’un signe durable. Si les hommes étaient raisonnables, il n’y aurait qu’un alphabet pour toutes les langues parlées, et dans cet alphabet qu’un caractère pour chaque voix et chaque articulation : tout le reste n’est qu’un amas de variantes inutiles. Il n’y a nulle relation directe entre le caractère et l’idée ; aussi, pour écrire ou lire des mots, abstraction faite des irrégularités de l’orthographe, il n’est pas nécessaire d’en comprendre le sens ; il suffit de savoir que tel caractère ré-