Aller au contenu

Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de l’inventer, et que dès que les hommes peuvent se transmettre leurs idées les uns aux autres, ils profitent tous des observations et des réflexions de chacun d’eux, et il semble que dès-lors tout est expliqué. Cependant on sait qu’une idée toute faite est une chose absolument intransmissible ; que pour en avoir réellement la conscience, lorsqu’on entend ou que l’on voit le signe qui la représente, il faut nécessairement, si c’est une simple sensation, l’avoir éprouvée ; la preuve en est qu’on parlerait éternellement de couleur à un aveugle-né, qu’il ne saurait jamais ce dont il s’agit. Si c’est une idée composée, il faut avoir connu et rapproché tous les élémens qui la composent ; il est évident que sans cela nous ne connaissons pas la signification d’un mot, et que c’est ce qu’on nous fait faire plus ou moins bien quand on nous le définit. Enfin, si cette idée est un jugement, la proposition qui l’exprime est vide de sens pour nous, n’est qu’un vain bruit, comme celui d’une langue étrangère, si nous ne connaissons pas ses deux termes, si nous n’avons pas fait sur chacun d’eux les opérations que nous venons de décrire, et si ensuite nous ne faisons pas