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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/112

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valiers et des hommes d’armes à l’air sombre les regardaient avec une figure menaçante ; un prêtre, les mains levées au ciel, dénonçait tout ce qu’il y avait de sacrilége moquerie dans cette union accomplie au pied des saints autels. Les eaux tranquilles des paysages, dont les profondeurs réfléchissaient les rayons du soleil, semblaient demander s’il n’y avait pas pour elles d’autre passage pour éviter la présence de ces deux êtres. Les ruines paraissaient s’écrier : « Regardez ici et voyez ce que nous sommes, nous, les épouses mal assorties du Temps ! » des animaux, ennemis par instinct, se déchiraient l’un l’autre, comme pour leur servir d’enseignement. Les amours et les cupidons fuyaient effarouchés : les héros du martyrologe, au milieu de leurs tortures, ne paraissaient pas avoir encore subi celle-là.

Néanmoins Mme Skewton fut si charmée à la vue de ce spectacle, auquel M. Carker avait invité ses regards, qu’elle ne put s’empêcher de dire presque tout haut : « Que c’est doux ! comme c’est plein de cœur ! » Edith qui, par hasard, venait d’entendre, devint rouge d’indignation.

« Ma chère Edith sait que j’étais en train de l’admirer, dit Cléopatre, en lui tapant presque timidement sur le dos avec son parasol : chère petite ! »

M. Carker vit encore se renouveler dans cette femme la lutte dont il avait été témoin si inopinément dans l’avenue ; il vit encore la même fierté languissante et pleine d’indifférence succéder à cette expression et la couvrir comme d’un nuage.

Elle ne leva pas les yeux sur lui, mais, d’un prompt regard, elle sembla inviter sa mère à s’approcher. Mme Skewton pensa qu’il était utile cette fois de comprendre ce signe, et, s’avançant vivement avec ses deux cavaliers, elle se rapprocha de sa fille et ne la quitta plus.

En ce moment, M. Carker, dont rien n’attirait plus l’attention, se mit à pérorer sur les tableaux, à choisir les meilleurs et à les indiquer à M. Dombey ; M. Carker parlait toujours à M. Dombey avec les démonstrations ordinaires de respect qu’il adressait à sa grandeur, et lui rendait hommage soit en ajustant son lorgnon en son honneur, soit en trouvant pour lui le passage cherché dans le catalogue, soit en lui tenant la canne, etc. Il faut dire aussi que M. Carker n’avait pas toujours le mérite de l’initiative ; ainsi, M. Dombey, qui était homme à faire reconnaître sa qualité de chef, lui disait souvent avec un