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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/137

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— De temps ? dit miss Tox dans sa naïveté.

— À tous les changements possibles, repartit Mme Chick. D’ailleurs il faut bien s’y attendre : nous sommes dans un monde où tout change. On me surprendrait beaucoup, Lucrèce, et à mes yeux, on ferait grandement tort à ses connaissances, si l’on essayait de contester une vérité si évidente et si l’on voulait s’y soustraire. Le changement ! s’écria Mme Chick avec le ton sévère d’un philosophe, mon Dieu, faites-moi donc le plaisir de me dire, ma chère, qu’est-ce qui ne change pas… jusqu’au ver à soie, qu’on ne peut certainement pas soupçonner de s’inquiéter de ces questions-là, le ver à soie ne subit-il pas mille métamorphoses plus surprenantes les unes que les autres ?

— Ma Louisa, dit la douce miss Tox, que vous êtes heureuse dans vos comparaisons !

— Vous êtes bien bonne, Lucrèce, de parler ainsi de moi et de le penser, qui mieux est (en disant cela, Mme Chick paraissait un peu calmée). J’espère que ni l’une ni l’autre, Lucrèce, nous n’aurons jamais l’occasion de rien changer à cette estime réciproque.

— Certainement, » reprit miss Tox.

Mme Chick toussa, comme auparavant, et fit des raies sur le tapis avec le bout d’ivoire de son parasol. Miss Tox, qui connaissait à fond sa belle amie, et qui savait que, pour peu qu’elle fût fatiguée ou vexée le moins du monde, elle devenait très-irritable, profita de son expérience pour s’arrêter et pour changer de sujet de conversation.

« Pardon, ma chère Louisa, dit miss Tox ; mais n’ai-je pas entrevu dans la voiture quelqu’un qui ressemble à M. Chick ?

— En effet, il y est, dit Mme Chick, mais je vous en prie, ne le faites pas descendre. Il a son journal ; le voilà content pour deux heures. Continuez vos fleurs, Lucrèce, et laissez-moi m’asseoir à côté de vous, pour me reposer un instant.

— Ma Louisa sait bien, dit miss Tox, qu’entre amies comme nous, il ne peut être question de faire la moindre cérémonie. Ainsi donc… » Miss Tox acheva sa pensée, non en paroles, mais en action ; elle remit ses gants qu’elle avait ôtés, s’arma de nouveau de ses ciseaux, et se mit à couper, à rogner dans les feuilles avec une dextérité microscopique.

« Florence est revenue chez elle, dit Mme Chick, après être restée assise quelque temps sans rien dire, la tête penchée