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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/149

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— Oh ! oui, » répondit avec vivacité Florence en souriant.

Elle trembla et baissa les yeux ; car sa nouvelle mère semblait la regarder attentivement ; ses yeux, fixés sur elle, ne la quittaient pas.

« Je… suis habituée à être seule, dit Florence. Je n’y songe pas. Didi et moi, nous passons quelquefois ensemble des journées entières. »

Florence aurait pu dire des semaines entières, des mois entiers !

« Didi ! est-ce votre femme de chambre, ma chère ?

— Didi ! oh ! non ! non. C’est Diogène, mon chien, dit Florence en riant. Ma femme de chambre, c’est Suzanne.

— C’est ici votre appartement ? dit Edith en promenant ses regards autour d’elle. On ne me l’avait pas fait voir l’autre jour. Il faudra que nous fassions arranger ces chambres-là, Florence. Elles deviendront les plus jolies de la maison.

— Si je pouvais changer d’appartement, reprit Florence, il y en a un là-haut, maman, que j’aimerais bien mieux.

— Cet appartement-ci n’est-il pas assez haut comme cela, chère enfant ? demanda Edith en souriant.

— L’autre était la chambre de mon frère, dit Florence, c’est ce qui fait que je l’aime tant. Je voulais en parler à papa, quand je suis revenue, que j’ai trouvé ici les ouvriers et que j’ai vu qu’on changeait tout… Mais… »

Florence baissa les yeux, dans la crainte que le même regard de tout à l’heure ne la fît encore trembler, puis elle continua :

« Mais j’ai craint que cela ne lui fit de la peine ; et comme vous disiez que vous reviendriez bientôt, maman, et que vous êtes maîtresse de faire tout ce que vous voulez, je me suis résolue à prendre courage et à vous le demander. »

Edith, assise dans son fauteuil, la regarda ; ses yeux brillants étaient fixés sur le visage de la jeune fille ; mais quand celle-ci leva la tête, Edith, à son tour, en détacha ses yeux et les baissa vers la terre. Ce fut alors que Florence pensa combien la beauté de cette femme était différente de la beauté qu’elle avait supposée. Elle l’avait crue orgueilleuse et altière ; maintenant son attitude était si bienveillante et si douce, que si elle avait été, par son âge et sa situation, plus rapprochée de Florence, elle n’aurait pas pu lui inspirer plus de confiance.