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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/175

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que M. Dombey lui offrirait sa main, que Carker la connaît parfaitement et lit dans son cœur à livre ouvert ? se trouve-t-elle plus dégradée à ses propres yeux d’être connue de M. Carker que de tout autre ? Est-ce pour cela qu’en présence du sourire de cet homme, sa fierté diminue à vue d’œil comme la neige fond dans la main qui la presse ? Est-ce pour cela que son regard impérieux se détourne du sien et se baisse vers la terre ?

« Je suis fier de voir, dit M. Carker, s’inclinant avec humilité (et cependant ses yeux et ses dents démentent ses paroles) ; je suis fier de voir que mon humble présent a été accueilli par Mme Dombey qui a bien voulu le porter dans ce jour si fortuné. »

Edith s’incline : mais, à la voir, on croirait un moment que sa main veut froisser les fleurs qu’elle tient, les jeter à terre et les fouler avec mépris. Cependant elle passe son bras au bras de son mari, qui causait avec le major, et recouvre son air fier, impassible et silencieux.

Les voitures sont encore une fois à la porte de l’église. M. Dombey, sa femme au bras, passe au milieu des vingt petites femmes en herbe, groupées sur les marches : chacune, remarquant la façon, la couleur de chaque partie du vêtement de la mariée, se promet d’habiller de la même façon sa poupée qu’elle s’occupe à marier toute la journée.

Cléopatre et le cousin Feenix montent dans la même voiture. Le major conduit dans la seconde Florence et la demoiselle d’honneur, qui avait failli devenir Mme Dombey par méprise : il entre lui-même avec elles, suivi de M. Carker. Les chevaux piaffent et se cabrent ; les cochers et les valets de pieds brillent sous les rubans, sous les fleurs et sous leurs livrées toutes neuves. Les voitures partent au grand galop, traversent rapidement les rues, et, sur leur passage, mille têtes les regardent, et mille moralistes austères se vengent de leur célibat, en se disant que tous ces badauds ne songent pas à la courte durée d’un pareil bonheur.

Miss Tox quitte le mollet du chérubin, quand le calme s’est rétabli dans l’église, et descend lentement de sa galerie. Elle a les yeux rouges ; son mouchoir est trempé. Blessée jusqu’au fond du cœur, elle n’éprouve aucun sentiment de colère ; elle espère qu’ils seront heureux. Elle ne se refuse pas à s’avouer à elle-même que la mariée est belle et que, comparativement, les charmes qu’elle pourrait mettre en concurrence sont faibles