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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/199

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considérable. C’est bien affligeant. Plus de remède. Voilà la vie ! »

M. Carker, tout en parlant, se faisait délicatement les ongles et souriait au capitaine qui, planté debout devant la porte avait les yeux fixés sur lui.

« Je regrette bien vivement le pauvre Gay, dit Carker, ainsi que tout l’équipage. Je sais que, dans ce nombre, se trouvaient de bien braves gens. C’est toujours comme ça. Un grand nombre de personnes englouties qui laissent femme et enfants ! C’est encore une consolation, capitaine Cuttle, que de songer que le pauvre Gay n’était pas marié. »

Le capitaine, toujours debout, se frottait le menton et regardait le gérant. Le gérant promena ses regards sur des lettres cachetées qui se trouvaient sur son pupitre et prit le journal.

« Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous, capitaine Cuttle ? demanda Carker en détournant les yeux et en lançant du côté de la porte un sourire et un regard expressifs.

— Je désire, dit le capitaine, que vous me tranquillisiez sur un point et ce ne sera peut-être pas facile.

— Ah ! s’écria le gérant, de quoi s’agit-il ? Allons, capitaine Cuttle, dites vite, s’il vous plaît, car je suis très-occupé.

— Eh bien ! monsieur, dit le capitaine avançant d’un pas, avant que mon ami Walter fût parti pour cette désastreuse traversée…

— Allons, allons, capitaine Cuttle, interrompit le souriant Carker, ne parlons pas de désastreuse traversée. Il ne s’agit pas ici de désastreuse traversée, mon garçon. Il faut que vous ayez pris votre ration de bonne heure, pour ne pas vous rappeler qu’il y a des risques à courir dans tous les voyages, que ce soit sur terre ou sur mer. Vos injustes soupçons ne vont pas sans doute jusqu’à vous faire supposer que votre jeune… comment l’appelez-vous, ait péri dans une tempête sortie de ces bureaux ? Allons, capitaine, un bon somme et une bouteille d’eau de seltz, voilà le meilleur remède pour guérir des inquiétudes comme les vôtres.

— Mon garçon, reprit le capitaine tout doucement (car pour moi vous êtes un jeune garçon, je n’ai donc pas besoin de m’excuser pour ce mot qui vient de m’échapper), si vous trouvez du plaisir à plaisanter dans un pareil moment, vous n’êtes pas mon homme ; et, si vous n’êtes pas mon homme, j’ai de bonnes raisons pour n’en être que plus inquiet. Maintenant voici de quoi