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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/210

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Il était encore à fredonner son air, qui, semblable à une vis sans fin, tournait toujours en spirale au milieu de mille variations, quand Henriette apparut : il se leva à son approche et resta debout le chapeau à la main.

« Vous voilà revenu, monsieur ! dit-elle, d’une voix mal assurée.

— J’ai pris cette liberté, répondit-il. Vous serait-il possible de m’accorder quelques minutes ? »

Après un moment d’hésitation, elle ouvrit la porte et le fit entrer dans la petite salle à manger. Le monsieur s’assit, et, approchant sa chaise de la table pour se placer juste en face d’elle, il lui dit d’une voix qui répondait à sa physionomie et sa physionomie était des plus avenantes :

« Miss Henriette, il n’est pas possible que vous soyez fière. Vous me l’avez dit pourtant la dernière fois que je suis venu, mais pardonnez-moi si j’ose vous avouer que j’ai lu dans vos yeux, pendant que vous me parliez, et que vos yeux démentaient vos paroles. Tenez ! lui dit-il en posant doucement sa main sur son bras, en ce moment même ils les démentent de plus en plus. »

Dans son trouble et dans sa confusion elle ne trouvait rien à répondre.

« Les yeux sont le miroir de l’âme, et je ne vois dans les vôtres que sincérité et bienveillance. Pardonnez-moi de les croire et de revenir près de vous. »

Ses manières, en prononçant ces paroles, prouvaient que ce m’étaient pas de vains compliments. Il y avait dans son air quelque chose de si franc, de si sérieux, de si simple, de si sincère, qu’elle baissa la tête à la fois comme pour le remercier et pour rendre hommage à sa sincérité.

« La différence d’âge qu’il y a entre nous, dit l’inconnu, et l’honnêteté de mes intentions, me permettent, j’ose l’espérer, de dire ce que je pense. C’est donc bien ce que je pense, et voilà pourquoi vous me revoyez une seconde fois.

— Il y a une sorte de fierté, monsieur, répondit-elle après un moment de silence, ou du moins on peut s’y tromper, qui n’est au fond que le sentiment de son devoir. J’espère n’en voir pas d’autre.

— De la fierté pour vous-même, dit-il.

— Pour moi-même.

— Mais… pardon… hasarda le monsieur, et pour votre frère Jean ?