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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/220

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plafond, était penchée sur les briques mal jointes qui remplaçaient une grille absente ; on eût dit qu’elle était là à attendre, devant l’autel de quelque sorcière, une réponse favorable. Si le mouvement de ses mâchoires et de son menton n’eût été plus vif que le va-et-vient de la flamme, on aurait attribué à une illusion d’optique ce mouvement d’un visage aussi immobile d’ailleurs que la personne même.

Si Florence était entrée dans cette chambre et qu’elle eût jeté un seul coup d’œil sur cette femme penchée devant le feu, elle n’eût pas hésité à reconnaître la bonne Mme Brown, cette terrible vieille qui avait laissé dans ses souvenirs d’enfant une silhouette aussi grotesque et aussi fantastique que celle qu’elle eût vue projetée alors sur le mur. Mais Florence n’y était pas pour la voir et la bonne Mme Brown restait là sans témoin, les yeux fixés sur son feu.

Comme la pluie tombait plus fort et formait un petit ruisseau le long de la cheminée, la bonne Mme Brown releva la tête avec impatience pour mieux écouter ; mais cette fois elle ne la baissa plus, car une main s’était posée sur le loquet de la porte et elle entendit un bruit de pas dans la chambre.

« Qui est là ? dit-elle en regardant par-dessus son épaule.

— Quelqu’un qui vous apporte des nouvelles, répondit une voix de femme.

— Des nouvelles ? D’où ?

— De bien loin.

— D’au delà des mers ? s’écria la vieille femme en se levant d’un bond.

— Oui, d’au delà des mers. »

La vieille femme attisa vivement son feu et s’approcha de l’étrangère. Celle-ci était entrée, avait fermé la porte et se tenait droite et immobile au milieu de la chambre. La vieille posa sa main sur le manteau de l’étrangère, traversé par la pluie, et lui tourna le visage vers la flamme du foyer sans qu’elle fît la moindre résistance. Sans doute, ce n’était pas la personne qu’elle s’était attendue à voir, car elle laissa retomber le manteau et, dans son désappointement, elle poussa un cri de plainte et de douleur.

« Qu’est-ce que vous avez ? demanda l’autre.

— Oh ! oh ! s’écria la vieille en relevant la tête avec un hurlement terrible.

— Qu’est-ce que vous avez ? demanda encore l’étrangère.

— Ce n’est pas ma fille ! s’écria la vieille en levant ses bras