Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/257

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n’y portait pas le deuil et que personne de la société n’avait de legs dans le testament.

À la fin, les invités se retirèrent tous, les porte-flambeaux aussi ; la rue, tout à l’heure encore encombrée de voitures, devint silencieuse, et l’on ne vit plus dans les salons, à la lueur mourante des flambeaux, que M. Dombey et M. Carker, qui causaient ensemble dans un coin, et Mme Dombey et sa mère dans l’autre. La première était assise sur une ottomane, la seconde était étendue, toujours comme Cléopatre, attendant l’arrivée de sa femme de chambre. M. Dombey ayant fini de donner ses instructions à Carker, celui-ci s’avança d’un air humble pour prendre congé.

« J’espère, dit-il, que les fatigues de cette délicieuse soirée ne compromettront pas la santé de Mme Dombey pour demain.

Mme Dombey, dit M. Dombey en s’avançant, s’est épargné assez de fatigue, pour que vous n’ayez aucune inquiétude à cet égard. Je regrette d’avoir à vous dire, madame Dombey, que j’aurais désiré vous voir vous fatiguer un peu plus dans cette circonstance. »

Elle lui lança un regard plein d’arrogance comme pour lui dire qu’il était inutile d’en ajouter davantage, et elle détourna la tête sans répondre.

« Je regrette, madame, dit M. Dombey que vous n’ayez pas regardé comme de votre devoir… »

Elle le regarda encore une fois.

« Comme de votre devoir, madame, poursuivit M. Dombey, de recevoir mes amis avec un peu plus de déférence. Quelques-uns de ceux qu’il vous a plu de laisser de côté ce soir d’une manière assez claire, madame Dombey, vous font honneur, je puis vous le dire, en venant chez vous.

— Savez-vous qu’il y a quelqu’un ici ? répondit-elle en le regardant fixement.

— Non ! Carker, je vous prie de ne pas sortir ; je désire que vous ne sortiez pas, s’écria M. Dombey en arrêtant le gérant qui se retirait sans bruit. M. Carker, madame, comme vous le savez, a toute ma confiance. Il connaît comme moi-même le sujet dont je parle. J’ai l’honneur de vous prévenir, pour votre gouverne, madame Dombey, que la visite de ces personnes riche et haut placées m’honore moi-même. » Et M. Dombey se renversa sur son fauteuil, comme si ces paroles eussent donné à ses invités une importance sans pareille.

« Je vous demande, répéta-t-elle, en arrêtant sur lui son