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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/277

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— Si le père n’a rien voulu dire, sanglota le malheureux Rémouleur, pourquoi qu’il revient toujours là-dessus, mère ? Il n’y a personne qui ait aussi mauvaise opinion de moi que mon père. Est-ce naturel ! Je voudrais qu’on me coupe la tête je suis sûr que ça lui serait égal, et moi j’aimerais autant que ce soit lui qu’un autre qui me la coupe. »

À ces paroles de désespoir, les jeunes Toodle répondirent par un cri de douleur. Le Rémouleur ne fit qu’augmenter leur chagrin en les suppliant de ne pas pleurer à cause de lui : « Si vous êtes des bons garçons et des bonnes filles, vous, leur dit-il d’un ton ironique, vous n’avez rien de mieux à faire que de me détester. » Ce dernier trait toucha si vivement l’avant-dernier Toodle, qui était fort sensible, qu’il en fut presque suffoqué. M. Toodle, consterné, l’emporta dehors jusqu’à la pompe, et l’aurait mis sous le robinet, si la vue de cet instrument n’eût suffi pour lui faire recouvrer la respiration.

Les choses ayant pris cette tournure, M. Toodle s’expliqua, et les vertueux élans de sensibilité du fils n’ayant plus de raison de prendre la mouche, ils se donnèrent la main tous les deux, et l’harmonie fut rétablie.

« Voulez-vous faire comme moi, Biler, mon garçon ? demanda son père en retournant à son thé avec une nouvelle ardeur.

— Non, je vous remercie, mon père. Mon maître et moi nous avons pris notre thé ensemble.

— Et comment va votre maître, Robin ? dit Polly.

— Oh ! ma foi, j’ n’en sais rien. Il n’y a toujours pas de quoi s’en vanter. On ne fait pas d’affaires, voyez-vous. Il n’y connaît rien… le capitaine s’entend. Aujourd’hui v’ là qu’un homme entre dans la boutique et dit :

« — Je désirerais un… »

« Je ne me rappelle plus comment il a dit ça, c’était un mot difficile à prononcer.

« — Un quoi ? répond le capitaine.

« — Un… machin, dit l’autre.

« — Eh bien ! mon ami, reprend le capitaine, voulez-vous regarder dans la boutique ?

« — Mais, dit l’autre, c’est ce que j’ai fait.

« — Voyez-vous ce qu’il vous faut ? continue le capitaine.

« — Non, je ne le vois pas.

« — Le reconnaîtriez-vous bien si vous la voyiez, dit le capitaine.